Motiver les employés et mettre fin à l'épuisement professionnel.

Cécile Dejoux présente une approche managériale basée sur un modèle scientifique qui répond aux besoins de sens et d'équilibre entre vie professionnelle et vie privée des employés et des managers.

Après deux ans de pandémie et d'ajustements managériaux, nous devons prendre du recul pour définir la " nouvelle normalité ". Ma recherche me permet de tirer des enseignements et de définir les attentes, les pratiques et les caractéristiques de ce "nouveau normal" post-covirus.

Première observation : redéfinir l'engagement des employés avec le modèle 5R®.

Les recherches que j'ai menées auprès de 2 245 employés et cadres en 2020-22 ont souligné la difficulté croissante que rencontrent les entreprises pour attirer les talents et rendre les employés plus engagés :

  1. Les jeunes talents ont des exigences spécifiques en ce qui concerne un travail valorisant, la possibilité de travailler à domicile et leur niveau de rémunération.

  2. Les employés ont une nouvelle compréhension de leur engagement envers une organisation. Ils ne se sentent pas particulièrement redevables ou loyaux envers leur entreprise. En revanche, ils se sentent engagés envers leur environnement de travail, la communauté de leur profession, leurs clients ou leur équipe.

Les entreprises doivent donc revoir leur stratégie pour motiver leurs employés.

Depuis que la pandémie a éclaté, le monde a connu une vague sans précédent de démissions. Une tendance surnommée "la grande démission" est apparue très clairement aux États-Unis et en Inde, mais elle a également affecté le marché du travail européen. L'étude de PwC Enquête sur les espoirs et les craintes de la main-d'œuvre mondiale en 2022 a révélé qu'un salarié sur cinq dans le monde est prêt à changer d'employeur dans les douze prochains mois.

Grâce à mes recherches, j'ai proposé un modèle scientifique que plusieurs entreprises ont approuvé : le modèle 5R®. Pour qu'une équipe s'engage et travaille ensemble de manière positive, qu'elle soit interne, externe, hiérarchique ou transversale, il faut appliquer et faire vivre les 5 R du modèle. Ce sont les facteurs décisifs (les "leviers") qui font que les employés s'engagent positivement dans un groupe.

  • Rôles : donnez à chaque employé un rôle qui contribue à l'équipe et complète les tâches officielles de son poste.

  • Règles : sélectionnez et soulignez les règles de l'entreprise - elles sont indispensables à la réalisation du projet.

  • Routines : développez-les avec les membres de l'équipe - elles caractérisent la culture du groupe.

  • Respect : définir les marques de respect de base dans le groupe.

  • Reconnaissance : la contribution de l'employé à l'équipe est reconnue individuellement.

Les résultats statistiques de ma recherche mettant en lumière les 5 R (cf. schéma ci-dessus) montrent que les employés ont fortement besoin de reconnaissance (95%) et de signes qu'ils sont respectés (95%) lorsqu'ils travaillent en collaboration. Lorsque ces conditions sont réunies, ils sont prêts à assumer des responsabilités à travers des rôles (84%) dans le cadre de règles organisationnelles bien définies (84%) et sont heureux de développer des routines dans leur groupe tout en bénéficiant de plus de flexibilité (70%). Leur engagement positif et collaboratif s'exprime lorsque, après en avoir discuté avec les autres membres de l'équipe, ils assument volontairement des rôles qui font le succès de l'équipe.

Deuxième constat : donner aux managers les outils nécessaires à l'élaboration d'une stratégie de santé mentale pour faire face à l'augmentation alarmante du burnout et des risques psychosociaux.

La pandémie a provoqué une augmentation considérable de l'épuisement professionnel et des risques psychosociaux. Mais le grand changement, qui est devenu de plus en plus clair, a été une augmentation des problèmes de santé mentale chez les jeunes arrivants sur le marché du travail. Par exemple, une enquête de Deloitte en 2021 a révélé que 77 % des professionnels déclaraient avoir fait l'expérience de l'épuisement professionnel dans leur emploi actuel ; 84 % des milléniaux ont également déclaré l'avoir fait.

En 2019, l'épuisement professionnel dans les effectifs a pris une telle ampleur que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a décidé d'ajouter le phénomène à sa classification internationale des maladies. L'OMS définit le burnout comme un "syndrome conceptualisé comme résultant d'un stress chronique au travail qui n'a pas été géré avec succès".

La santé mentale est donc devenue une question stratégique pour les managers et les directeurs des ressources humaines en 2022. Elle est devenue une caractéristique claire de la "nouvelle normalité" pour trois raisons principales :

  • La première raison est d'ordre managérial. Comment préparer les managers - concrètement - à détecter les problèmes de santé mentale, à soutenir les employés dans ce domaine et à se protéger à leur tour ? C'est une nouvelle responsabilité qu'ils doivent assumer alors qu'ils sont déjà surchargés de travail. Ce phénomène de société s'accélère clairement au rythme des innovations numériques et du métavers. Les employés sont également tenus de fonctionner à ce rythme, qui devient de plus en plus insoutenable d'un point de vue humain.

  • La deuxième raison est d'ordre économique. Selon l 'OMS, lorsqu'une entreprise investit un euro dans la lutte contre les problèmes de santé mentale, elle gagne en retour quatre euros de productivité.

  • La troisième raison est d'ordre juridique. Certains pays comme la France ont introduit de nouvelles mesures législatives en matière de santé au travail qui renforcent l'obligation pour les entreprises de rédiger et de mettre à jour des évaluations de leurs risques professionnels, en mettant l'accent sur la prévention.

Ma conviction : la gestion des soins est devenue une pratique managériale efficace, adaptée à la "nouvelle normalité".

A la lumière de mes études statistiques et de dizaines d'entretiens avec des responsables RH et des directeurs de la stratégie et de la transformation, je pense que les pratiques managériales de la " nouvelle normalité " doivent être redéfinies. Elles devraient prendre en compte les deux constats énoncés plus haut : la nécessité de réinventer l'engagement des salariés sur la base du modèle 5R® et de donner aux managers les outils nécessaires pour développer des stratégies en matière de santé mentale, de prévention et de lutte contre le burnout.

La gestion des soins donne aux managers les moyens de prendre soin d'eux-mêmes, de leurs équipes et de leurs communautés dans une logique d'équilibre, de performance et d'engagement.

J'ai proposé la définition suivante du management de proximité : "Le management de proximité est un ensemble de pratiques managériales visant à donner aux employés les outils dont ils ont besoin pour atteindre un équilibre entre vie professionnelle et vie privée grâce à un système d'engagement positif". Il est basé sur le modèle 5R® d'engagement positif et collaboratif. Ainsi, le care management donne les moyens aux managers de prendre soin d'eux-mêmes, de leurs équipes et de leurs communautés dans une logique d'équilibre, de performance et d'engagement.


Cet article a été publié à l'origine dans le numéro d'octobre 2022 de Magazine français RH&M.

Ce billet présente les opinions de son auteur, et non la position de l'ESCP Business School.

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